Quand « Doctor Who » a fait son retour sur nos écrans en 2005, la série est entrée dans un mode de télévision très différent de celui qu’elle avait laissé en 1989. Avec des moyens de plus en plus variés et expérimentaux de raconter une histoire maintenant à sa disposition, « Doctor Who » pouvait montrer un épisode à vaste dimension cinématographique, ce qui aurait été auparavant impossible, avant de diffuser la semaine d’après un épisode à dimension plus intime tournant autour d’un personnage.
MISSION TO THE UNKNOWN
Cet épisode est marquant pour plusieurs raisons. Notamment l’absence totale du Docteur et de ses compagnons. Même pas une mention. L’épisode est prévu pour servir de prequel à un arc ultérieur, « The Daleks Master Plan », qui sera diffusé quelques semaines plus tard. L’épisode suit Marc Cory, un agent de l’Agence pour la Sécurité spatiale, en mission sur Kembel, une planète isolée et forestière.
Il tente de prévenir la Terre d’une alliance dangereuse entre les Daleks et plusieurs races extra-terrestres qui forment une coalition intergalactique du crime ! Le but : Envahir la Terre et détruire l’univers. Malheureusement la mission vers l’inconnu échoue tragiquement avec la mort de tous les personnages de l’épisode, laissant ainsi les extra-terrestres exprimer leur plan : La conquête de la Terre et la mort de l’univers !

LINDA
Cet épisode plutôt inhabituel de la saison 2 peut être considéré par beaucoup comme le pire de ce que « Doctor Who » peut offrir. Cependant, on peut y trouver plusieurs choses intéressantes. Tout d’abord, c’est le premier épisode à adopter un schéma narratif non linéaire. Ce que certains ne réalisent pas, et qui pourtant pourrait aider l’épisode à lutter contre ses critiques, c’est que l’essentiel de l’action est simplement une représentation visuelle de ce qu’Elton raconte, et donc que les aspects les plus cartoonesques de l’épisode peuvent être interprétés comme une exagération de la part d’Elton. De plus, l’utilisation d’un narrateur comme élément scénaristique aide à la caractérisation d’Elton. On le perçoit en effet comme un homme qui n’a qu’une compréhension très basique du fonctionnement de l’univers du Docteur.
Les membres de l’association LINDA quant à eux, démontrent le talent de Russell T Davies à créer plusieurs personnages étonnement bien construit et nuancé en un minimum de temps. On en arrive à s’en faire pour eux jusqu’à être émus face à leur triste sort ou à la façon brutale dont la romance naissante entre Bidget et M. Skinner prend fin. Comme Elton, ils n’ont qu’une vision assez naïve du mode de vide du Docteur et ne perçoivent pas les dangers qui en font pourtant pleinement partie. De plus, l’absence du Docteur et de Rose permet au personnage de Jackie de prendre une autre dimension et de gagner en profondeur. On réalise le sacrifice qu’elle a fait en laissant Rose partir avec le Docteur, ce dernier lui enlevant à la fois sa fille et sa meilleure amie.

LES ANGES PLEUREURS
Il est sans doute surprenant que l’un des épisodes les plus acclamés dans l’histoire de « Doctor Who » ait l’un des plus atypiques. « Les Anges pleureurs » font du voyage dans le temps une part active de l’histoire plutôt qu’un simple moyen de transport pour le Docteur.
Structurellement parlant, « Les Anges pleureurs » est une sorte de puzzle dont les pièces auraient été éparpillées un peu partout sur le tapis du salon avant d’être assemblées petit à petit suivant le cours de l’épisode jusqu’au final où tout se met enfin en place de façon quasi mathématique. C’est alors que Sally remet au Docteur un transcrit de tout ce qu’il dira dans les fameux œufs de Pâques des DVD et tout ce qu’elle lui répondra.
« Les Anges pleureurs » mettent en scène un Docteur omniscient, capable d’influencer les évènements même depuis un endroit lointain (géographiquement ou dans le temps), via des messages codés dans des lieux plus ou moins improbables. La raison pour laquelle le Docteur est retenu prisonnier dans le passé et très intelligemment introduite dans le scénario, les Anges pleureurs et leur véritable nature est révélée petit à petit, faisant monter la tension à un rythme régulier et soutenu. Aussi, ces créatures ont laissé un impact non négligeable dans la mémoire des fans, ils revinrent plusieurs fois comme principaux antagonistes ou en cameo. Il est difficile de nier qu’ils sont des créations très originales et de terrifiants adversaires.

UN PASSAGER DE TROP
Contrastant avec l’invasion à grande échelle que nous a montrée la saison 4, « Un passager de trop » sort du lot grâce à son approche. En effet, car presque entièrement confiné dans un espace étroit avec un minimum d’effets spéciaux, cette histoire prend des aspects de pièce de théâtre et son ton claustrophobe et tendu a beaucoup en commun avec le thriller psychologique d’Alfred Hitchcock, « La Corde ». Comme avec l’épisode « LINDA », Davies fait encore une fois preuve de talent en mettant en scène une variété de personnages bien définis qui interagissent avec le Docteur, partagent avec lui des rires et des anecdotes.
Cependant, et, contrairement à « LINDA », ces personnages ne restent pas attachants bien longtemps. Une fois Ciel Sylvestry possédée par une entité mystérieuse, ils succombent les uns après les autres à leurs démons. L’épisode offre aux téléspectateurs une rare occasion de voir le Docteur dans un état de peur et de vulnérabilité, ce qui a permis à David Tennant de livrer une performance remarquable. Il a forcé les mots à sortir de sa bouche avec une tension perceptible dans sa voix, créant ainsi une atmosphère bien plus effrayante qu’une créature en images de synthèse.
Beaucoup du charme de « Un passager de trop » vient de son ambigüité. Nous ne voyons jamais la créature sous sa vraie forme, sa nature et son origine demeurent inconnues, tout comme sa destruction ou non à la fin de l’épisode. De plus rien n’est affirmé quant au rôle de la créature sur la transformation vicieuse et agressive des passagers. Était-ce réellement son influence ou juste une expression de leur véritable nature animale ?

JAMAIS SEUL
« Jamais seul » est essentiellement composé de quatre pièces liées autour du Docteur et de Clara : le dîner romantique un peu bizarre de Danny et Clara, le foyer d’accueil de Rupert, le vaisseau spatial d’Orson à la fin de l’univers et la ferme d’enfance du Docteur.
Les évènements qui se produisent à un endroit peuvent avoir des répercussions dans d’autres lieux. Mais bien évidemment actions et conséquences ne se produisent pas nécessairement dans cet ordre. Ce qui semble relier toutes ces musiques serait la présence des créatures que sont les Espionneurs et la détermination quasi obsessionnelle du Docteur à prouver leur existence, une obsession qui causera presque sa perte.
Cependant la fin de l’épisode amène le téléspectateur à remettre en question ce qu’il a vu… peut-être que ces créatures n’ont jamais existé. Ce qui lie l’épisode, en réalité, est la thématique de la peur irrationnelle et de la paranoïa.

DANS LES BRAS DE MORPHÉE
Ce qui ancre cet épisode dans le plan expérimental est le moyen avec lequel l’histoire nous est racontée : le found footage. Autrement dit, un tournage en images filmées par téléphone, ou caméras de surveillances. Une telle structure narrative augmente considérablement l’immédiateté des évènements qui se déroulent sous nos yeux. Une expérience inédite pour le téléspectateur. Quand les personnages courent, le téléspectateur court aussi ; quand le Docteur cite Macbeth avec colère, il le fait directement face caméra et par extension devant nous. Une situation très étrange même.
Toutefois, le scénario évolue à mi-chemin dans cette séquence, lorsque nous apprenons que ce n’est pas une vidéo retrouvée, mais plutôt un flux en direct capté depuis les points de vue des protagonistes, grâce aux particules de poussière flottant dans leurs rêves.
Bien sûr, cette chute inattendue n’est qu’une simple mise en bouche fait au final de l’épisode. Le style du « found footage » a permis aux spectateurs de s’impliquer dans l’intrigue, ce qui renforce l’effet dramatique lorsque Rassmussen dévoile ses véritables motivations et son plan pour les exécuter. Alors que « Les Anges pleureurs » se terminait par un conseil du Docteur : « Ne clignez pas des yeux ». Cet épisode se termine en justifiant pleinement son titre et le conseil à en tirer : « Ne vous endormez pas ».

DESCENTE AU PARADIS
Cet épisode, pour le moins magistral, mais un peu long à certains moments, est basé sur un monologue. Le Docteur se retrouve donc le seul antagoniste de l’histoire avec comme accompagnement l’ombre d’une menace.
Durant tout l’épisode, ce sera un Docteur en fuite après le décès de sa compagne, Clara, qu’on découvrira. Cet épisode ayant reçu une côte d’appréciation de 80, fait de cet épisode, une réussite. La structure personnelle de l’épisode, centré sur le Docteur, nous plonge ainsi dans la tête du personnage tout au long de l’épisode. On pense comme lui, on voit comme lui, on vit comme lui, comme si on y était. On se sent plus proche de l’histoire qu’un épisode normal, comme ce fut le cas « Dans les bras de Morphée ». L’excitation de l’épisode est certes basse, mais, en comprenant la suite qui en découle, nous entrons mieux dans la vive compréhension du Seigneur du Temps, et de l’enjeu de cet épisode.

EN CLAIR
Le maintien de l’identité de « Doctor Who » tient aussi au fait que la série peut embrasser une vaste sélection d’idées semaine après semaine, parfois pour le meilleur et parfois pour le pire. Tel un mariage entre le fan et la série.
Pour conclure, parmi tous ces épisodes, il est bien évident que certains ont connu un plus grand succès que d’autres. Mais il ne faut pas perdre de vue que « Doctor Who » est une série mettant en scène une cabine téléphonique pilotée par un homme un peu fou à travers le temps et l’espace et qu’une telle série ne peut en aucun cas tomber dans une routine de récits traditionnels.
Dernière mise à jour faite le 30 avril 2025
Page écrite par Damien Fayemendy